Bellevue

Localisation : Châteaubernard (Charente)
Année(s) d’intervention : 2010
Aménageur : Territoires Charente
Thématique : Complexe cultuel à enclos fossoyés protohistoriques

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Notice scientifique

Le lieu dit « Bellevue » est situé sur la commune de Châteaubernard, en bordure de la RN 141 reliant Saintes à Angoulême, dans la périphérie sud-est de Cognac. Le projet de création d’un parc d’activité par la SEM Territoires Charente a été à l’origine d’une prescription de diagnostic par le SRA Poitou-Charentes sur une vaste surface. Le diagnostic a été réalisé sous la direction de Guillaume Pouponnot (Inrap), portant sur 26 hectares. Le fort potentiel archéologique de la parcelle était connu dès 2002 grâce à une prospection aérienne réalisée par Patrick Joy ayant permis l’observation de trois enclos protohistoriques. L’opération de diagnostic a révélé la présence de sept enclos supplémentaires, principalement concentrés dans la partie nord de la parcelle diagnostiquée.

L’intervention sur le terrain a duré huit semaines, du 19 juillet au 10 septembre 2010. Le décapage mécanique a été effectué sur une superficie de 13000 m², centré sur la principale zone de concentration d’enclos observée lors du diagnostic. Dans un premier temps, l’opération a consisté à relever toutes les structures archéologiques identifiées sur l’ensemble de la parcelle. Dans un second temps, des sondages ciblés ont été réalisés dans les fossés des enclos afin d’observer les modalités de creusements et de comblements de ces structures, et de collecter du matériel archéologique permettant de discuter de leur fonction et d’en préciser leur datation.

Le site de Bellevue a livré un très bel échantillon de la diversité, tant de forme que de format, de ces enclos. Dix enclos ont ainsi été mis au jour ; trois circulaires, trois en arc de cercle et quatre quadrangulaires. D’une manière générale, les fossés ceinturant ces enclos ont livré peu de mobilier archéologique, mais suffisamment pour permettre une attribution chronologique de la plupart d’entre eux, du moins en ce qui concerne leur comblement sommital.

L’enclos 11, circulaire, présente un diamètre maximal de 15,30 m. La largeur conservée du fossé varie entre 0,50 et 1,70 m pour une profondeur maximale de 0,75 m. Les sondages ont livré quelques rares tessons protohistoriques et des fragments de charbon. Une analyse radiocarbone réalisée sur l’un d’eux a donné une datation comprise entre 770 et 410 av. JC, attribuant cet enclos au Hallstatt ou à La Tène ancienne A (calibration à 2 σ, Beta Analytic Inc.).

L’enclos 13, en « fer à cheval » est très arasé et n’a pas livré le moindre élément de datation. Il présente un diamètre maximal de 11,70 m pour une largeur variant entre 0,20 et 0,90 m.

L’enclos 57 s’apparente à première vue à un vaste rectangle de 27 m de long pour près de 13 m de large, divisé par un fossé central. En fait, il s’agit de deux enclos bien distincts. Le premier (57 B), au nord, a été fossoyé en premier. Un autre enclos, quadrangulaire (57 A), vient secondairement s’y accoler. Ce second enclos de 14,40 m de long pour 12,90 m de large présente un fossé variant entre 1,30 et 1,70 m de large pour une profondeur maximale de 0,70 m. Le temps écoulé entre le creusement de ces deux fossés demeure difficile à estimer. Plusieurs tessons de céramique fine ont été découverts dans le comblement de cette structure. Deux fragments de fibules, l’un en fer, l’autre en bronze, ont également été mis au jour. Une analyse radiocarbone réalisée sur un fragment de charbon a livré une datation comprise entre 360 et 50 av. JC attribuant le comblement de cet enclos à la Tène ancienne B1–B2, La Tène moyenne, voire La Tène finale.

L’enclos 58, circulaire, présente un diamètre de près de 18 m. La largeur du fossé varie grandement, entre 0,20 et 1,90 m, suivant son niveau d’arasement. Une interruption du fossé sur environ trois mètres s’observe au nord, suggérant une ouverture permettant l’accès à l’intérieur de l’enclos. De très nombreux blocs calcaires ont été observés dans le comblement sommital du fossé sur l’ensemble de son tracé. L’étude des marques de fabrique a déterminé que l’apport de ces blocs résultait d’une action anthropique intentionnelle. De nombreux tessons de céramique ont par ailleurs été mis au jour dans la même unité stratigraphique.

D’importants épandages de charbon ont également été observés. Une analyse radiocarbone réalisée sur l’un d’eux a livré une datation comprise entre 760 et 400 av. JC. En revanche le mobilier céramique semble plus récent, attribué à La Tène B ou C1.

L’enclos 63 de forme quadrangulaire présentent des dimensions modestes ; 3,60 m de long pour 3,30 m de large. Il est directement accolé à l’enclos 57 A, avec lequel il semble avoir fonctionné de manière synchrone. Conservé sur une profondeur variant entre 0 et 17 cm, ce fossé est le seul à contenir des restes osseux. Ces derniers ont été attribués à des bovidés et des ovicaprinés. Dans une perspective de collecte exhaustive, le contenu du fossé a entièrement été prélevé afin d’être tamisé en laboratoire. Les ossements mis au jour sont majoritairement contenus dans la maille [4–10 mm] et sont tous brûlés à un stade avancé de calcination. De nombreux fragments de céramiques, de fer, de bronze, peut-être de lignite présentant également une forte atteinte thermique ont également été identifiés. Enfin, plus d’une centaine de petits fragments d’ivoire ou de corail sculptés, également fortement brûlés, ont été isolés. Certains d’entre eux présentent une perforation dans laquelle un petit rivet en bronze était encore engagé, suggérant que ces petits éléments aient été utilisés comme des appliques décoratives. Une analyse radiocarbone réalisée sur un fragment de charbon date cette structure entre 200 et 10 av. JC, soit La Tène moyenne ou finale.

L’enclos 64, présentant une forme en « fer à cheval » mesure 10,50 m de diamètre. Les modalités de creusement de cette structure ont pu être appréhendées. Celui-ci a été creusé à partir de plusieurs segments, comme des pointillés, qui finirent par se rejoindre. Très arasé, ce fossé n’a pas livré le moindre mobilier archéologique, ni de charbon permettant de préciser sa datation.

L’enclos 65, également en forme de « fer à cheval » s’étire sur une longueur de 9,40 m. Il vient s’accoler au fossé 64, dont il est chronologiquement postérieur. Les tessons livrés par le fossé attribuent son comblement entre le Hallstatt final et La Tène B.

L’enclos 66, de forme circulaire, présente un diamètre de 15 m. Son fossé, très bien conservé, a une largeur comprise entre 1,30 et 2,20 m pour une profondeur maximale de 0,65 m. Son comblement a également livré quelques pierres calcaires mais en quantité bien moindre que ce qui a pu être observé dans l’enclos 58. Des tessons de céramique attribués à La Tène B2 et un petit couteau en fer ont été mis au jour. Une datation d’un charbon comprise entre 390 et 170 av. JC. confirme un attribution à la Tène B2.

Enfin, l’enclos 81, de forme quadrangulaire, a été mis au jour dans la partie ouest de la zone d’emprise. Il s’apparente à un carré de 8,50 m de côté. Arasé, la profondeur de son comblement ne dépasse pas 0,25 m. Les sondages réalisés dans ce fossé ont livré plusieurs tessons, un fragment de fibule à pied en timbale et un fragment de bracelet tubulaire en bronze. Une analyse radiocarbone réalisée sur un fragment de charbon propose comme datation pour cette structure entre 360 et 190 av. JC, soit de La Tène ancienne B1 à La Tène moyenne C1.

Outre les enclos, le site a également livré deux, peut-être trois, petits bâtiments carrés sur quatre poteaux. Les dimensions des bâtiments (environ 2,50 m de côté) font penser à des greniers sur poteaux d’époque protohistorique mais une fonction avec la sphère funéraire ou cultuelle ne peut être écartée. Aucun élément de datation ne permet cependant de discuter d’une éventuelle association avec les enclos.

Enfin, le décapage de la partie nord du site a permis l’observation de structures de voirie, fossés bordiers et ornières. La découverte d’une pièce de monnaie datée de 1637 attribue le comblement terminal d’un de ces fossés à l’époque moderne. De multiples fosses d’extraction de substrat ont également été observées. L’une d’elles, réutilisées comme fosse-dépotoir, a livré les restes partiels d’un cheval et d’ovicaprinés, ainsi que des tessons attribuables aux XV–XVIe siècle