Église Saint-Pierre

Localisation : Éraville (Charente)
Année(s) d’intervention : 2012
Aménageur : Municipalité d’Éraville
Thématique : Aire funéraire autour d’un édifice religieux

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Notice scientifique

La commune d’Éraville a mis en place un projet d’assainissement des maçonneries et de réhabilitation des proportions architecturales d’origine de l’église Saint-Pierre, inscrite au titre des Monuments Historiques le 31 mai 1965. Le diagnostic réalisé en 2011 par Emmanuel Barbier (Inrap) a confirmé l’important encaissement de cette petite église située sur le flanc d’un vallon de la Champagne charentaise. Le sondage sur le parvis a révélé le niveau des bases des colonnes de la façade occidentale à 1,20 m du niveau du sol actuel. Le long du mur gouttereau nord et sur le parvis, une aire funéraire a été décelée.

L’église Saint-Pierre se présente sous la forme d’une nef unique se terminant par une abside. Les sources ne la mentionnent pas avant la fin du XIIIe siècle. Cependant, certains caractères architecturaux, notamment au niveau du chevet et de la façade occidentale, permettent de rattacher sa construction au siècle antérieur. Des reconstructions des murs gouttereaux ont eu lieu au cours du XVIe siècle. Jusqu’à 1858, le cimetière prenait place au nord-ouest de l’église ; le plan cadastral de 1834 le situe au niveau du terre-plein en surplomb de l’église.

L’opération de fouille réalisée en octobre 2012 sur 95 m2 a rendu possible la documentation des niveaux situés au contact de l’église le long du chevet et du mur nord ainsi que ceux présents sur le parvis. Les vestiges mis au jour permettent d’appréhender une dizaine de siècles de l’histoire de la communauté d’Éraville autour de son église.

Les premières sépultures s’implantent dès le Xe siècle selon les résultats des datations radiocarbone. Il s’agit de sépultures en fosse rupestre couverte ou en coffrage de dalles calcaires. L’une d’elle est creusée en partie dans un massif de fondation qui serait alors le témoin d’un premier bâtiment sous l’édifice actuel. À partir du XIIIe siècle, la zone le long du mur nord est abandonnée au profit du parvis. L’activité des fossoyeurs s’intensifie ; de nombreux recoupements et superpositions sont observables. Les inhumations en cercueil apparaissent à Éraville au XVe siècle. L’édifice connait des modifications durant cette phase.

Deux petits contreforts sont accolés au mur gouttereau et un ballet est adjoint à la façade. Cependant, ce dernier ne semble pas perdurer au-delà du XVIe siècle. À partir du XVIIe siècle, les inhumations, uniquement en cercueil, réapparaissent le long du mur nord et ce jusqu’au début du XXe siècle comme l’atteste le petit mobilier qui accompagnait les défunts (accessoires vestimentaires, chapelet, monnaie).

L’étude paléobiologique donne une idée de la population inhumée à Éraville durant le Moyen Âge, bien que l’échantillon réduit minimise la portée d’une exploitation statistique et de son interprétation. Elle présente un certain nombre de points communs avec les caractéristiques d’une population naturelle au schéma de mortalité archaïque. Les marques de stress et les pathologies observées sont en accord avec les référentiels documentés pour les populations médiévales. Elle a mis en évidence la présence de deux individus atteints de handicaps physiques importants, parfaitement intégrés dans la communauté des défunts.

La mise au jour de quatre céramiques ayant subi des opérations de mutilation renseigne sur la pratique de ce type de dépôt au sein des sépultures médiévales. Six blocs trapézoïdaux massifs (jusqu’à 46 cm d’épaisseur) en calcaire blanc à rudistes ont été découverts. Trois d’entre eux ont servi de couvercles à des sépultures anthropomorphes rupestres ; les trois autres, situés devant le seuil de l’église, participent à l’exhaussement du niveau du parvis avant la construction du ballet. Il pourrait s’agir de blocs capables pour le façonnage de sarcophages de type mérovingien. Leur emploi dans ces diverses fonctions révélerait alors la présence d’un atelier à proximité.